Helsana+ et rabais de primes : traitement illégal des données

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Dans l’affaire des rabais de primes proposés par Helsana grâce à son App “Helsana+“, le Préposé a émis une recommandation le 27 avril 2018 (text d’origine en allemand) enjoignant l’assurance complémentaire de cesser tout traitement de données permettant aux assurés de base d’obtenir des rabais de primes en adoptant un style de vie sain et sportif. Le Préposé accorde un délai de 30 jours à la société d’assurance complémentaire pour cesser “tout traitement de données visant à calculer et à effectuer des remboursements sous forme pécuniaire pour les clients qui ne disposent que de l’assurance de base auprès d’Helsana“. Les recommandations du Préposé ont une portée limitée puisqu’elle n’ont pas d’effet contraignant. Toutefois, si la recommandation n’est pas suivie dans le délai imparti, l’affaire peut être portée devant le Tribunal administratif fédéral pour obtenir une décision judiciaire, définitive et exécutoire (art. 29 al. 3 et 4 LPD). Helsana a apparemment indiqué vouloir suivre la recommandation du Préposé et cesser le traiter de ces données.

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De quoi parle-t-on exactement avec cette application mobile ?

Lorsqu’on se connecte à Helsana+, l’application demande à l’utilisateur s’il est aussi client de l’assurance de base. Par conséquent, il peut bénéficier jusqu’à CHF 75.- de rabais par année qu’il soit assuré à titre complémentaire ou non. Or selon le Préposé, il n’existe pas de base légale pour traiter ces données liées à l’assurance de base, et le traitement opéré par Helsana Assurances complémentaires SA est illicite. De plus, la loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal) interdit d’accorder des rabais aux assurés de base, ce qui serait contraire au principe d’une assurance sociale ayant pour but de rembourser les assurés sans discrimination, dans notre cas, sans distinguer les bons (personnes en bonne santé) des mauvais risques (personnes malades, avec antécédents ou avec des risques plus élevés que la moyenne, notamment par le style de vie).

Dans son communiqué, le Préposé a précisé ce qui suit:

en s’enregistrant sur l’application Helsana+, les assurés d’Helsana Assurances complémentaires SA donnent leur accord à ce qu’on vérifie qu’ils sont assurés auprès du groupe Helsana pour l’assurance de base. Faute de base légale, la récolte de ces données relatives à l’assurance de base par l’assurance complémentaire et leur traitement subséquent par l’assurance complémentaire sont illégaux du point de vue de la protection des données et le consentement recueilli par l’application n’a aucun effet juridique. Le PFPDT recommande donc à Helsana Assurances complémentaires SA de mettre un terme à ce traitement de données de l’assurance de base. 

Pas de rabais pour les assurés de base grâce à Helsana+. En fin d’année 2017, le Préposé avait mené une enquête suite à la mise sur le marché de l’application mobile d’Helsana qui pousse les assurés à opter pour une meilleur style de vie, sain et sportif. Le système de bonus ou de points “Plus” peuvent être récolté si l’utilisateur renseigne l’assurance d’une activité physique, de mesures de prévention, d’une fidélité ou de son adhésion à un centre de fitness. Ces activités encourageant une meilleure santé, et par conséquent de plus faibles risques de tomber malade, sont ensuite converties en points, que l’assuré peut encaisser en liquide ou auprès de partenaires d’Helsana, soit en avantage pécuniaire.

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 Enjeux juridiques, économiques et sociaux

Les enjeux concernent:

  • d’une part l’interaction entre l’assurance de base et l’assurance complémentaire et la manière avec laquelle une assurance complémentaire peut traiter des données de l’assurance de base ; et
  • d’autre part, l’un des thèmes souvent décrié dans la presse concerne la “sélection des risques“, le fait de privilégier ou récompenser financièrement les personnes qui ont un train, mode et style de vie favorisant une meilleure santé des autres  personnes qui sont ont été, sont ou ont un plus grand risque de tomber malades.

L’assurance-maladie de base (LAMal) est une assurance sociale qui doit rembourser un catalogue de prestations listées par le Conseil fédéral (OPAS) sans distinction entre les individus, toute personne étant égale face à la maladie indépendamment de son mode de vie ou de ses revenus.

L’article 84a LAMal traite du transfert de données dans le cadre de l’assurance-maladie, mais ne prévoit pas la communication de données de l’assurance de base à l’assurance complémentaire, cela même si ces données traitées au sein du même groupe. En l’absence de base légale permettant ce transfert, le consentement recueilli par les utilisateurs pour le traitement de leur données n’est pas valable et le traitement devient par conséquent illicite.

Par Gabriel Avigdor | NTIC.ch